Mahoniah fut prise de court : elle qui pensait ne jamais devoir s’engager était tout à coup au pied du mur. Soit elle répondait non à la proposition de Loïciane au risque de se mettre encore plus à l’écart de l’Ordre soit elle acceptait de perdre sa tranquillité et son indépendance.
- Mahoniah ,serais-tu d’accord pour suivre des cours à l’académie militaire?
- Pourquoi pas … s’entendit-t-elle répondre avant même d’avoir pris le temps de réfléchir.
Mais elle eut aussitôt l’impression d’avoir été prise au piège : c’était la première fois qu’elle mettait les pieds à Lune d’Argent depuis bien longtemps et déjà elle le regrettait … mais comme toujours elle n’avait qu’une parole et tiendrait ses engagements.
Le maniement des armes n’était pas son fort et ne l’attirait guère et elle se sentait un peu étrangère à tous ces combats qui faisaient rage autour d’elle. Mais elle ne voulait pas décevoir Loïciane qui l’avait si gentiment accueillie dans ses rangs et ferait de son mieux.
Elle ne brillait guère en société et même lorsqu’elle prenait part à une conversation elle avait l’impression d’être décalée, comme détachée des mots qu’elle prononçait: toujours en retrait ne livrant jamais le fond de sa pensée. En fait elle se demandait si elle avait vraiment sa place quelque part…
(Née d’une famille de petits commerçants aisés , rien dans la vie de Mahoniah ne fut vraiment marquant: petite vie tranquille et morne d’enfant gâtée qu’aucun souci matériel ne perturba mais dénuée totalement de marques d’amour . Elle eut peu d’amis car ses parents ne l’autorisaient pas à sortir et vécut une enfance solitaire de fille unique avec les livres pour seuls compagnons .
D’une intelligence honorable elle n’avait rien d’un génie; seule une mémoire exceptionnelle, mais qu’elle cachait soigneusement, la distinguait des autres . Ni belle ni laide elle n’attirait pas les regards et passait inaperçue partout ce qui lui convenait fort bien. Elève consciencieuse et appliquée elle donna toute satisfaction à ses parents et à ses maitres semblant se plier à toutes leurs exigences.
Outre ses lectures son occupation préférée était l’observation de son entourage : son regard fixe posé sur les gens les dérangeait souvent mais pas le moindre commentaire ne sortait de ses lèvres : nul ne pouvait suivre le fil de ses pensées.
Comme ses parents , elle ne s’occupa jamais de politique et n’apprit jamais le maniement des armes.
Personne ne comprit pourquoi un jour elle fit ses paquets, quitta sa prison dorée et partit sur les routes. Que cherchait-elle ? Le savait-elle elle-même? )